Rêveries au café El Fishawy au Caire
Publié le 27 April 2012 par Benjamin Wiacek
Au coeur du souk Khan el-Khalili, dans une petite venelle à côté de la grande mosquée el-Hussein, se trouve le café Fishawy (francisé en café Fichaoui). Fondé en 1849, il porte le nom du Hagg Fichmi Fishawy, grand chef de bande du quartier dans les années 30. De grands miroirs aux cadres en bois sculpté, des arches au-dessus de chaque entrée : vous êtes transportés en pénétrant dans cet endroit mythique. l'On s'assoit sur d'agréables banquettes au milieu de la venelle, ou autour de petites tables à côté, et une fois le délicieux thé à la menthe fraiche rapidement servi dans une petite théière émaillée - le meilleur du Caire selon moi - la magie fait alors son oeuvre, et il ne vous reste plus qu'à regarder.
Assis pendant des heures à boire du thé, le temps défile pendant que l'On contemple un spectacle inouï et sans cesse renouvelé. On apprend énormément en regardant autour de soi et en apprenant à ouvrir les yeux... La façon dont les gens se comportent, les regards, même furtifs, que l'On peut échanger avec eux, les sourires parfois. Fermez les yeux et écoutez... Tous les sons se confondent : le bruit des chaises, celui des verres et des théières en émail sur les plateaux en cuivre, les voix des serveurs qui réclament les chichas, qui passent les commandes ou qui crient "flooouuuussss" (argent) pour que le patron vienne avec son énorme liasse de billets et encaisse auprès des clients. Il y a aussi les haussements de ton des touristes qui ne comprennent pas bien ce qui se passe, l'anglais, l'espagnol, le chinois, le français, l'allemand, l'italien, l'arabe, se mélangeant dans un concert envoûtant...
En ouvrant à nouveau les yeux, on assiste à un défilé incessant, un monde en perpétuel mouvement, celui des vendeurs de breloques en tout genre et de gadgets - si vous restez un peu plus longtemps, vous aurez l'Occasion de les revoir souvent, et à chaque fois ils vous proposeront de nouveau leurs articles ! Quelques mendiants circulent entre les tables bondées et essayent de vendre des paquets de mouchoir ou des cacahuètes. Il y a aussi la femme qui passe toutes les deux minutes vous proposer un tatouage au henné, et le cireur de chaussures qui fait une triste mine quand on lui dit non ou qu'il voit que vous êtes en sandales !
La richesse que vous apporte une pause - aussi longue que possible - dans ce café est incommensurable, elle est de celle qui ne se compte pas, elle est liée à l'apprentissage de la vie en Egypte, de la vie en général ! Mais ne croyez pas que cela soit réservé à cet endroit seul, toute l'Egypte est comme ça, riche de cette mixité permanente, de ces styles différents à chaque coin de rue. A la regarder, à l'écouter, à la sentir pour mieux s'en imprégner, à tenter de la comprendre et de pénétrer ses mystères, on ne peut que l'apprécier. Et apprécier ces instants, c'est au bout du compte adopter l'Egypte dans son coeur...