La Basse Époque
Publié le 22 September 2005 (mis à jour le 14 January 2008) par Nico, Francois Daumas
La Basse époque est une période de forte instabilité qui se caractérise par des prises de pouvoir successives de souverains étrangers, entrecoupée de courtes périodes d'indépendances.
Datation :
La Basse Époque s'étend approximativement de ~664 av J.C. à ~332 av J.C.
Dynasties :
La Basse Époque englobe les dynasties XXV à XXXI. Pour en savoir plus, voir l'article : Listes des pharaons
Périodes adjacentes :
La période précédent la Basse Époque est appelée la troisième période intermédiaire et la période la succédant est appelée l'Époque Ptolémaïque.
Histoire :
Un dynaste de Saïs, Tefnakht, avait essayé de résister au Kouchite avec d'autant plus de facilité que Piankhy avait rapidement abandonné l'Égypte pour retourner dans la lointaine Napata. Son fils Bocchoris lui succéda et tenta de donner à l'Égypte une législation nouvelle. Mais il succomba lors du retour offensif des Kouchites de la XXVe dynastie, en 715. Pendant un demi-siècle, le pays est administré par l'étranger du Sud. L'expérience se termine par la terrible invasion d'assourbanipal (663), qui pille Thèbes. L'événement fit une telle impression dans tout l'Orient que, cinquante ans après, le prophète Nahoum l'évoque encore avec émotion.
Mais l'assyrie, saignée à blanc par ses raids militaires incessants, devenait moins dangereuse. Aussi l'un des princes qu'elle protégeait et à qui Assourbanipal avait donné la principauté d'athribis, Psammétique, descendant de Tefnakht, cessa de payer tribut aux Assyriens et fonda la XXVIe dynastie indigène, dite saïte, du nom de sa capitale Saïs. Il dut d'abord éliminer, dans le Delta, les féodaux que les Assyriens avaient favorisés pour affaiblir les risques de rébellions. Ce furent les «hommes de bronze» prédits par l'Oracle, Ioniens et Cariens cuirassés, qui l'aidèrent à cette besogne. En Haute-Égypte, il réussit à faire adopter sa fille, Nitocris, par la divine épouse d'amon et par le prince de Thèbes, Montouemhet. Mais la haute vallée du Nil demeurait à demi indépendante. Et, pourtant, durant presque un siècle et demi, l'Égypte a retrouvé sa jeunesse et brille d'un dernier éclat. On a donné au VIIe siècle le nom bien mérité de renaissance saïte. Le sentiment national, avivé par les invasions précédentes, incite à revenir au passé. On exhume les vieux textes, on recopie dans certains tombeaux les formules mêmes des pyramides. On imite les anciens bas-reliefs que l'On va copier jusque dans les monuments funéraires royaux des plus anciennes dynasties. l'art atteint une perfection parfois un peu froide et académique mais, parfois aussi, vraiment expressive . C'est de cette époque que datent, en statuaire, ces vigoureux portraits individuels que l'art romain semble avoir imités.
La politique extérieure de la dynastie fut dictée en grande partie par ses voisins. Psammétique Ier, inquiet de l'accroissement de la puissance néo-babylonienne, tenta en vain de secourir l'assyrie qui succombe en 612. Son fils, Nekao, donne à l'Égypte, avec l'aide des Grecs, une puissance navale et fait accomplir un périple autour de l'afrique. Il organise la résistance des anciennes marches asiatiques de l'Égypte et bat à Meggido le roi Josias de Juda, qui, fidèle aux conseils des Prophètes, demeure dans l'alliance babylonienne. Mais Nabuchodonosor écrase Nekao à Karkémich (605) et jamais plus la dynastie ne pénétrera au-delà du Torrent d'Égypte. Le successeur de Nekao, Psammétique II, dut se retourner contre les Kouchites qui préparaient une nouvelle invasion de l'Égypte. Remontant le Nil, ses mercenaires conduits par les généraux Amasis et Potasimto pénétrèrent très loin en territoire ennemi et atteignirent probablement la quatrième cataracte. Les souverains du Sud ne devaient plus jamais tenter leur chance dans la basse vallée.
Tête du roi Amasis.
C'est sous le roi Apriès que Jérusalem fut prise une seconde fois, détruite de fond en comble, et que Nabuchodonosor emmena les Juifs en exil à Babylone (586). Sans doute le roi d'Égypte avait intrigué encore en Palestine, et Jérémie, comprenant l'irrémédiable faiblesse de l'Égypte, avait vainement tenté d'empêcher son roi d'entrer en révolte ouverte contre Babylone. d'ailleurs, après une guerre désastreuse contre Cyrène, le malheureux pharaon fut détrôné par le général Amasis dont l'habileté maintint encore pendant quarante-deux ans son pays en paix (568-526), en dépit d'une tentative de Nabuchodonosor pour asservir l'Égypte. Mais l'horizon oriental était lourdement chargé. Le jeune empire perse se développait sous l'égide d'un grand conquérant, Cyrus. Celui-ci en 539 avait pris Babylone et régnait en maître sur toute l'asie antérieure. Lorsqu'il mourut en essayant de pénétrer en Asie centrale, Amasis s'était allié à Polycrate, tyran de Samos. C'était peu. Il mourut à son tour, et Psammétique III, son fils, trahi par un général grec de son père, fut vaincu à Peluse en 525, par le successeur de Cyrus, Cambyse. L'Égypte allait devenir une simple satrapie de l'empire perse.
Cette époque saïte a une importance considérable pour l'histoire de la civilisation, par suite de l'intensité des rapports qui s'établissent alors entre l'Égypte et la Grèce, ainsi qu'avec le royaume de Juda. Psammétique Ier, qui devait en partie son trône à ses mercenaires d'asie Mineure, favorisa les Grecs et fit créer un corps d'interprètes. Cette initiative eut certainement une influence importante sur la connaissance que les deux civilisations purent acquérir l'une de l'autre, mais la plus jeune, la grecque, qui était la plus pauvre, fut certainement aussi la plus réceptive. Amasis, en 565, fonda Naucratis dans le Delta occidental, port franc des Grecs, où ils purent trafiquer à leur aise et échanger, comme ils savaient le faire, non seulement les marchandises, mais aussi les idées. Pythagore et Thalès passent pour avoir voyagé en Égypte. Solon y séjourna certainement et Hérodote, Platon et Euxode y allèrent plus tard et y vécurent sans difficulté. Pour les Grecs, l'aubaine était considérable et ils surent exploiter d'admirable manière les trésors de pensée, de science et de sagesse que l'Égypte avait lentement amassés.
Colonnes du temple de Isis, Philae.
Dans le royaume de Juda, le parti égyptisant, même s'il était combattu par les Prophètes, eut un rôle important. Il continuait, du reste, la vieille tradition de Salomon qui avait créé avec l'aide de scribes égyptiens l'administration de son nouvel État. Le prophète Isaïe était fort au courant de la théologie égyptienne, et les recueils sapientiaux hébraïques rassemblés dans le livre des Proverbes ont suivi parfois de fort près le texte des Enseignements égyptiens. Mieux, après la prise de Jérusalem et l'exil, des communautés juives échappées au désastre se réfugièrent en Égypte où elles rejoignent celles qu'avaient formées les mercenaires hébreux enrôlés par les pharaons ou ceux qui s'étaient réfugiés en Égypte au temps de Manassé. l'une d'entre elles, celle d'Éléphantine, nous est connue par des documents contemporains, mais d'autres existèrent à coup sûr à Thèbes ou à Memphis. Elles préludent à l'établissement massif des Juifs à Alexandrie et constituent un des intermédiaires entre l'Égypte et Israël à une époque particulièrement féconde pour l'histoire des idées religieuses.
Les Perses n'interrompirent pas ces rapports. l'unité de leur empire facilitait au contraire les communications. C'est pendant le règne d'artaxerxès qu'Hérodote visita l'Égypte, et sans doute bien des Grecs y voyagèrent ou y guerroyèrent. Le sentiment national des Égyptiens était, cette fois, exacerbé par l'asservissement. Il est probable que Cambyse, qui n'avait pas l'habileté de Cyrus, l'excita par des maladresses. Darius tenta d'apaiser le mécontentement en procédant à l'unification des lois propres à l'Égypte et en intensifiant le commerce lorsqu'il ouvrit ou fit rouvrir le canal de la mer Rouge à la Méditerranée. Sans doute les Égyptiens composèrent-ils des titulatures hiéroglyphiques pour les rois perses comme ils l'avaient fait pour les rois kouchites. Mais c'est uniquement parce que leurs conceptions sociales exigeaient un souverain. Ils en feront autant pour les rois macédoniens et pour les empereurs de Rome, sans les aimer davantage. d'ailleurs, ils ne cessèrent de se révolter. Sous Artaxerxès, Inaros, d'origine libyenne, réussit, avec l'aide des Athéniens, à battre le satrape de Memphis. Amyrtée de Saïs vint se joindre à lui. Mais, finalement, Inaros fut pris et crucifié (455) et une flotte grecque envoyée à son secours trop tard fut partiellement détruite. Mais Amyrtée continua seul la lutte et finit par libérer le pays où régnèrent encore deux dynasties indépendantes, la XXIXe et la XXXe. Des luttes personnelles pour la succession au trône vinrent aggraver encore la fragilité de cette indépendance. Les derniers pharaons indigènes firent tout ce qu'ils purent pour ourdir autour de la Perse un tissu d'intrigues et d'alliances destinées à prévenir tout nouvel asservissement. Nectanébo Ier réussit, avec l'aide de l'inondation, à mettre en fuite une armée perse parvenue à Memphis en 373. Son fils Téos, ayant réuni, au prix de sacrifices énormes imposés en particulier aux temples, une importante armée de mercenaires grecs, résolut de prendre l'Offensive et d'aller attaquer les Perses chez eux. Mais, trahi par les siens, il dut finalement demander asile à la Perse (359).
Modèle réduit de char perse en or (IVe s. av. J.-C.).
Son successeur, Nectanébo II, repoussa une première attaque perse en 351, mais dix ans après, Artaxerxès III Ochos avec une force considérable soumit une seconde fois l'Égypte. Nectanébo résista encore deux ans en Haute-Égypte, puis tout le pays passa aux mains de l'étranger. La révolte fut durant un certain temps endémique. Un dynaste du Delta, Khabbach, régna dans ses fourrés de papyrus, reconnu par le clergé de Memphis. Mais il ne put se maintenir longtemps. Les Perses étaient abhorrés et, apparemment, avaient fait peser durement leur joug sur l'Égypte reconquise. Aussi la défaite de Darius Codoman à Issos, en 333, fut accueillie avec joie au bord du Nil.
Le texte de cet article provient du CD-ROM Encyclopædia Universalis (version 7 parue en 2001).